Voir la fiche résumé

Nom

Le polypore du mélèze ou polypore officinal est nommé « άγαρικόν » chez les grecs, « agaricum » chez les latin, qui a donné le français agaric. Cette appellation viendrait, selon Dioscoride, du pays d’Agaria, sur les rives de la mer noire dans l’actuelle Ukraine, son peuple faisant commerce de ce champignon.

Rappelons que les anciens auteurs considéraient deux agarics : l’un blanc ou femelle, notre polypore officinal ; l’autre noir ou mâle, de moindre efficacité.

En anglais, son nom de « quinine conk » se rapporte à son goût amer ainsi qu’à sa propriété fébrifuge, semblables au quinquina.

Différents noms scientifiques lui ont été attribués dont les plus courants sont  : Agaricum officinale, Boletus laricis, Laricifomes officinalis et Fomitopsis officinalis. Leurs significations évoquent un champignon (Agaricum, Boletus) médicinal (officinalis) poussant sur le mélèze (Larix). Le suffixe « opsis » suggère une ressemblance avec le genre Fomes.

Description

Le polypore du mélèze est un champignon saprophyte de la famille des Fomitopsidaceae, qui pousse en montagne dans les Alpes, dans le Nord de la Russie ainsi qu’en Amérique du Nord, principalement sur les vieux mélèze et parfois sur d’autres Pinaceae.

Son sporophore peut atteindre une taille de 20 cm de largeur pour une hauteur allant jusqu’à 25cm. Son chapeau est gris/noir craquelé, en forme de console ou de sabot, avec une marge plus pâle. Son hyménium est composé de 3-5 pores par mm, blanc dans sa jeunesse, puis allant vers l’ocre. [1]

Attention : il appartient à la liste rouge des espèces menacées en Europe : il devrait être réimplanté et cultivé pour un usage médicinal.

Constituants

Le premier composé extrait du champignon est l’acide agarique. [2]

Il contient en outre des triterpénoïdes, des acides organiques, des benzofuranes, des flavonoïdes et des coumarines. [3]

Parmi ces composés, ce sont surtout les coumarines chlorées ainsi que les triterpénoïdes de type lanostane qui ont attiré l’attention des chercheurs. [4]

Usage traditionnel

L’agaric est le champignon médicinal par excellence de la tradition européenne. Mentionné pour la première fois par Dioscoride, sa renommée et son usage ont traversé quelques deux mille ans d’histoire pour parvenir jusqu’à nous.

De l’Antiquité jusqu’au Moyen-Âge, les auteurs s’accordent sur ses propriétés laxatives et dépuratives sur l’intestin avec notamment une action décongestionnante sur le foie et le bas-ventre. Pour ce faire, il est pris en mélange afin de tempérer ses effets irritants. Il est aussi employé dans les maladies pulmonaires tels que la toux, l’asthme et la phtisie (tuberculose). Il est encore utilisé dans les douleurs articulaires et les sciatiques, sans doute grâce à son action diurétique, peut-être complétée par une propriété antalgique aussi utile pour traiter les fièvres. En externe, il semble posséder une action sur les piqûres d’insecte et les morsures de serpents.

A partir de la renaissance, il semble que seules ses propriétés laxatives soient encore employées, associées à un effet vermifuge. Ce n’est qu’au cours du XIXème siècle qu’il est de nouveau employé pour son usage dans la tuberculose pulmonaire.

Il est utilisé traditionnellement en Mongolie pour le traitement de l'asthme et des rhumatismes. [5]

Il était utilisé en Amérique du Nord par les indiens Tlingit, en cataplasme sur les enflures et inflammations et sculpté et déposé comme gardien sur les tombes des chamanes. [2]

En médecine chinoise, il est recommandé comme remède contre la toux, l'asthme, les crampes d'estomac, les infections rénales, les calculs biliaires, les saignements de nez, les vomissements sanguins et contre les morsures de serpents venimeux. [6]

Littérature

Dans son mémoire publié et 1832, Bisson relate qu’il a employé l’agaric blanc avec succès pendant plusieurs années à l'hôpital Saint-Antoine et à l'hôpital de la Charité à Paris pour calmer les sueurs nocturnes dans la tuberculose pulmonaire, là où on employait ordinairement le quinquina et la sauge. Il donne comme posologie 4 à 10 grains (200 à 500 mg) d'agaric en poudre dans un demi verre d'eau. [7]

Christopher Hobbs, dans son livre sur les champignons médicinaux publié en 2003, rappelle son emploi comme purgatif, tonique amer, pour l'asthme bronchique et les sueurs nocturnes dues à la tuberculose. Il indique que l’agaric est peu utilisé par les herboristes modernes en raison de son action irritante sur la muqueuse intestinale. Il donne aussi une formule remise à jour de la célèbre teinture de Warburg, utilisée au XIXème siècle pour traiter le paludisme et la tuberculose et comme stimulant pour l’effondrement général « dans les cas où aucune maladie organique apparente n'est présente » :
« Teinture de Warburg modifiée
Fenouil                        4,6 g
Gentiane                     2-3 g
Zédoaire                     2-3 g
Racine de rhubarbe    9,1 g
Fruit d'angélique         9,1 g
Grande Aunée            4,6 g
Safran                         4,6 g
Cubèbe                       2,3 g
Myrrhe                        2-3 g
Agaric en poudre        2,3 g
Poivre noir                  0.5g
Cannelle                     0.9g
Directives : Broyer, recouvrir de vodka, agiter pendant 2 semaines, filtrer.
Posologie : 4 à 16 ml, soit environ 20 gouttes, 2 à 3 fois par jour, de préférence juste avant les repas
Note : Cette formule est une légère modification de la formule originale - j'ai omis l'opium, pour des raisons évidentes, ainsi que le sulfate de quinine, pour lequel l'agaric est censé être un substitut. Cette version n'a pas d'aloès, car elle se veut ici plus un stimulant digestif réchauffant qu'un purgatif. Cependant, vous pouvez ajouter 2 à 5 grammes d'aloès pour un effet laxatif plus prononcé. » [8]

En 2007, dans son livre sur les champignons médicinaux, Lelley rappelle l’usage de l’agaric dans le traitement des sueurs nocturnes de la tuberculose pulmonaire ainsi que pour d’autre types de transpirations abondantes. Il note l’usage de l’acide agarique après la seconde guerre mondiale dans l'asthme bronchique. [6]

Recherche scientifique

Une étude réalisée en 2013 observe une action anti-bactérienne des coumarines chlorées sur le bacille de Koch (Mycobacterium tuberculosis) lié à la tuberculose. [9]

Un article de revue de 2014 sur les polypores médicinaux européens résume les usages traditionnels du polypore du mélèze contre la diarrhée, les rhumatismes, contre la toux, dans la tuberculose, la pneumonie et la fièvre, et en externe sur les zone gonflées et enflammées. Il rapporte un effet antiviral dans la grippe A (H3N2) ainsi que des propriétés antimicrobiennes sur différentes bactéries (S. aureus, E. faecalis, S. pneumonia, E. coli, Pseudomonas, A, baumanii), plusieurs espèces de Mycobacterium dont le bacille de Koch (M. tuberculosis) ainsi que sur le champignon C. albicans. Elle indique enfin un usage cosmétique avec une action anti-âge induisant une paralysie neuromusculaire simulant l'effet du botox. [3]

Dans sa thèse sur les intérêts pharmacologiques du polypore Laricifomes officinalis soutenue en 2016, Bryan Guiot rapporte son utilisation pour la tuberculose et la grippe ainsi qu’un effet antitumoral. Il indique son usage en homéopathie contre les fièvres, dans les pathologies pulmonaires et les inflammation des organes de la digestion. La posologie est de 8 gouttes par jour de la préparation « Larifikehl gouttes D5 ». [2]

La même année, une étude a testé des extraits de ce champignon dans le traitement du syndrôme métabolique pour le diabète de type 2 et l’obésite et constaté un effet sur la régulation de l’insuline peut-être lié aux triterpènes, isolés du champignon par la suite. [10]

Une article de revue réalisée en 2018 résume ses effets antimicrobiens sur différents types de bactéries (B. thuringiensis, S. aureus, K. pneumoniae, E. aerogenes, E. coli, P. putida, P. fluorescens, S. aureus,  L. monocytogenes, S. typhimurium), le champignon C. albicans, le bacille de Koch (M. tuberculosis) et ses effets antiviraux sur la variole, la grippe A (H3N2), la grippe B et l’herpès. [4]

En 2019, un autre article de revue ajoute un effet antifongique sur différents parasites des plantes (C. lunata, F. oxysporum, A. solani, A. Terreus) ainsi qu’un effet antitumoral dans les cancers de l'estomac et gastro-intestinaux. Enfin, elle rapporte des propriétés anti-inflammatoires dans l'asthme et dans les douleurs musculo-squelettiques utilisé en cataplasme. [11]

Références

[1]    R. Courtecuisse et B. Duhem, Champignons de France et d’Europe. 2013.
[2]    B. Guiot, Les intérêts pharmacologiques du polypore Laricifomes officinalis. 2016.
[3]    U. Grienke, M. Zöll, U. Peintner, et J. M. Rollinger, « European medicinal polypores - A modern view on traditional uses », Journal of Ethnopharmacology, vol. 154, p. 564‑583, 2014.
[4]    C. Girometta, « Antimicrobial properties of Fomitopsis officinalis in the light of its bioactive metabolites », Mycology, vol. 10, p. 32‑39, 2018.
[5]    S. Naranmandakh, T. Murata, B. Odonbayar, K. Suganuma, J. Batkhuu, et K. Sasaki, « Lanostane triterpenoids from Fomitopsis officinalis and their trypanocidal activity », Journal of Natural Medicines, vol. 72, p. 523‑529, 2018.
[6]    J. I. Lelley, Die Heilkraft der Pilze. 2007.
[7]    E. Bisson, Mémoire sur l’emploi de l’agaric blanc contre les sueurs dans la phtisie pulmonaire. 1832.
[8]    C. Hobbs, Medicinal mushrooms. 2003.
[9]    C. H. Hwang et al., « Chlorinated Coumarins from the Polypore Mushroom Fomitopsis officinalis and Their Activity against Mycobacterium tuberculosis », Journal of Natural Products, vol. 76, p. 1916‑1922, 2013.
[10]    S. Sturm, K. Gallmetzer, A. Friedl, B. Waltenberger, V. Temml, et H. Stuppner, « Laricifomes officinalis - a rich source of pharmacologically active triterpenes », Planta Medica, vol. 82, p. S1‑S381, 2016.
[11]    W. A. Elkhateeb, G. M. Daba, M. O. Elnahas, et P. W. Thomas, « Fomitopsis officinalis - mushroom ancient gold mine offunctional components and biological activities for modern medicine », Egyptian Pharmaceutical Journal, vol. 18, p. 285‑289, 2019.