Nom
L’amadouvier doit son nom à son utilisation traditionnelle comme amadou pour allumer le feu. Son nom anglais « tinder fungus » a la même origine.
Il a porté le nom d’ « agaric de chêne » ou « agaric des chirurgiens » pour le différencier de l’agaric officinal. C’est probablement aussi l’agaric noir ou mâle des anciens.
En latin, le terme « fomes » signifie brindilles qui alimentent le feu et « fomenta » possède la double signification d’aliment pour entretenir le feu et de topique, calmant, pansement, ce qui nous en dit déjà beaucoup de ses principales utilisations !
Description
L’amadouvier est un champignon de la famille des Polyporaceae. Ce polypore parasite ou saprophyte qui pousse sur différentes espèces de feuillus, dont principalement le hêtre, plus rarement sur certains résineux.
Son sporophore en forme de sabot est de couleur gris clair à beige, à la surface très dure, épaisse et zonée, et mesure de 10 à 30 cm. Ses pores (3-4 par mm) sont d’abord de couleur crème, puis brunâtre.
Il peut être confondu avec le polypore faux-amadouvier (Phellinus ignarius), plus sombre à surface souvent fendillée et poussant plutôt sur conifères.
C’est le plus commun des gros polypores en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Il est aussi la seule espèce du genre Fomes. [1], [5], [6]
Constituants
L’amadouvier contient des polysaccharides (EPS), des triterpénoïdes, des acides organiques, des benzofuranes, des flavonoïdes et des coumarines. [2]
Des polysaccharides de type β-glucane, des stérols (ergostérol, fomentarol A-D) ont aussi été détectés dans ce champignon. [7]
Un composé phénolique en particulier en a été extrait et étudié : le fomentariol. [8]
Usage traditionnel
L’amadouvier est probablement un des premiers champignons à être utilisé par l’homme. Sa chair est utilisée dès la préhistoire pour recueillir l’étincelle destinée à l’allumage du feu1 car celui-ci se consume lentement. Son utilisation comme hémostatique remonte sans doute à la même époque.
Les premières traces historique d’un usage médicinal de l’amadouvier remontent au Vème siècle av. J.-C. où Hippocrate le conseille pour cautériser « les parties osseuses et nerveuses » ainsi que « quand le foie a le plus de volume », probablement par moxibustion, à la manière des Chinois et des Lapons. [9]
En Europe, il est utilisé dans les dysménorrhées, les troubles de la vessie ainsi que pour les les hémorroïdes. [15]
Une étude en ethnomycologie de 2015 effectuée en Roumanie mentionne son usage encore en vigueur dans certaines populations rurales :
- pour arrêter les saignements
- pour soigner les hémorroïdes
- pour stopper la transpiration
- dans les troubles de la vessie
- contre la toux
- dans les maux de tête [10]
Littérature
En 2003, Christopher Hobbs, dans son ouvrage sur les champignons médicinaux, rapporte son usage pour arrêter les saignements, panser les plaies et dans les troubles de la vessie. Il évoque un effet antiviral utilisé sur le virus de l’herpès simplex. Enfin, il signale son emploi par les indiens d'Okanagan-Colville et les Shuswap pour soigner les rhumatismes et l'arthrose en étant enflammé au dessus de la peau (moxibustion). La forme recommandée est un décoction de 13 à 20g de sporophore deux fois par jour. [4]
Recherche scientifique
Une étude démontre en 2004 les propriétés anti-inflammatoires et analgésiques de Fomes fomentarius sur des souris avec des extractions au méthanol. [11]
Un article de revue de 2014 sur les polypores médicinaux européens, après un résumé des utilisations traditionnelles de Fomes fomentarius, évoque des effets hypoglycémiants et antioxydants avec des débouchés intéressants pour le diabète. Il relate par ailleurs un effet anti-prolifératif sur les cellules de cancers de l’estomac et du colon dû à des terpénoïdes. [2]
La même année, une étude effectuée sur du mycélium cultivé sur des résidus industriels de fleurs d’amarante observe des propriétés antivirales sur la grippe A (H1N1) et l’herpès simplex (HSV-2). [12]
Des effets antibactériens (S. aureus) et antifongiques (A. fumigatus, A. orchidis, C. krusei) sont observés dans une étude de 2015. [13]
Un autre article de revue est publié en 2016 sur les propriétés médicinales des champignons poussant sur le bouleau. Il rapporte un effet antitumoral et cytotoxique sur les cellules cancéreuses (colon, langue, intestin, estomac) dû aux stérols ainsi qu’aux polysaccharides de type EPS et IPS. Les extraits aqueux de polysaccharides de type β-glucane montrent une activité antimicrobienne marquée sur H. pylori et C. albicans ainsi qu’un effet anti-inflammatoire associé à une réduction du niveau de prostaglandines. [7]
En 2018, le fomentariol est isolé du champignon frais à l’aide d’éthanol. C’est un pigment rouge responsable, au moins en partie, de ses propriétés antidiabétiques et antioxydantes. Le champignon possède par ailleurs des propriétés anti-inflammatoires et analgésiques. [8]
Dans une étude de 2019 sur les propriétés antimicrobiennes de différents extraits sont comparées. Les extraits aqueux et alcooliques sont les plus efficaces et montrent une action antibactérienne (K. pneumoniae, A. baumannii, S. aureus, E. coli et des entérocoques résistants à la vancomycine) et antifongique (C. krusei, C. albicans, C. tropicalis, C. guilliermondii et C. glabrata). Le champignon se montre aussi efficace que les antibiotiques standard. [14]
Références
[1] R. Courtecuisse et B. Duhem, Champignons de France et d’Europe. 2013.
[2] U. Grienke, M. Zöll, U. Peintner, et J. M. Rollinger, « European medicinal polypores - A modern view on traditional uses », Journal of Ethnopharmacology, vol. 154, p. 564‑583, 2014.
[3] C. Girometta, « Antimicrobial properties of Fomitopsis officinalis in the light of its bioactive metabolites », Mycology, vol. 10, p. 32‑39, 2018.
[4] C. Hobbs, Medicinal mushrooms. 2003.
[5] G. Eyssartier et P. Roux, Le guide des champignons, France et Europe. 2013.
[6] M. Bon, Champignons de France et d’Europe occidentale. 2012.
[7] J. Smolibowska, M. Szymański, et A. Szymański, « Medicinal properties of fungi occurring on Betula sp. trees », Herba Polonica, vol. 62, 2016.
[8] N. Maljurić, J. Golubović, M. Ravnikar, D. Žigon, et B. Š. and B. Otašević, « Isolation and Determination of Fomentariol: Novel Potential Antidiabetic Drug from Fungal Material », Journal of Analytical Methods in Chemistry, vol. 2018, p. 1‑9, 2018.
[9] B. Roussel, S. Rapior, C.-L. Masson, et P. Boutié, « Fomes fomentarius : un champignonaux multiples usages », Cryptogamie, Mycologie, vol. 23, p. 349‑366, 2002.
[10] N. Papp, K. Rudolf, T. Bencsik, et D. Czégényi, « Ethnomycological use of Fomes fomentarius and Piptoporus betulinus in Transylvania, Romania », Genetic Resources and Crop Evolution, vol. 64, p. 101‑111, 2015.
[11] Y. M. Park et al., « Anti-inflammatory and anti-nociceptive effects of the methanol extract of Fomes fomentarius », Biological and Pharmaceutical Bulletin, vol. 27, p. 1588‑1593, 2004.
[12] T. Krupodorova et S. R. & V. Barshteyn, « Antiviral activity of Basidiomycete mycelia against influenza type A (serotype H1N1) and herpes simplex virus type 2 in cell culture », Virologica Sinica, vol. 29, p. 284‑290, 2014.
[13] P. Dresch, M. N. D´Aguanno, K. Rosam, U. Grienke, J. M. Rollinger, et U. Peintner, « Fungal strain matters: colony growth and bioactivity of the European medicinal polypores Fomes fomentarius, Fomitopsis pinicola and Piptoporus betulinus », AMB Express, vol. 5, p. 4, 2015.
[14] G. Gdeik, G. Dülger, H. Asan, A. Özyurt, H. Alli, et A. Asan, « The antimicrobial effect of various formulations obtained from Fomes fomentarius against hospital isolates », Mantar Dergisi, vol. 10, p. 103‑109, 2019.
[15] U. Peintner, R. Pöder, et T. Pümpel, « The iceman’s fungi », Mycological Research, vol. 102, p. 1153‑1162, 1998.