Le nom vernaculaire « vesse-de-loup » regroupe différents genres qui sont traditionnellement utilisés pour les mêmes usages, bien que certaines espèces aient des propriétés spécifiques. C’est pourquoi nous les avons regroupés ici sous cette appellation traditionnelle. Les noms de genre de ces champignons ont d’ailleurs souvent été interchangés.
Nom
La vesse-de-loup signifie littéralement « pet de loup », sans doute à cause de l’émission silencieuse de ses spores qu’exécute le sporophore mûr lorsque l’on marche maladroitement dessus.
Cette appellation regroupe différents genres, dont les principaux sont :
- Bovista, du latin « bos, bovis » bœuf
- Calvatia, du latin « calvaria » crâne et/ou « calvata » chauve
- Lycoperdon, du grec « λύκος » loup et « πηρίδιον » petit sac ou « πέρδω » péter
Les anglophones appellent ces champignons « puffball » et les chinois « Ma Bo ».
Description
Vesse-de-loup est l’appellation donnée à plusieurs genres de champignons de la famille des Lycoperdaceae appartenant à l’ancienne catégorie des Gastéromycètes.
Son sporophore se présente sous une forme sphérique ou piriforme blanchâtre, grisâtre ou brunâtre. Il est composé d’une enveloppe, le péridium, protégeant un hyménium interne : la gléba. À maturité, le péridium s’ouvre pour libérer les spores du champignon.
Le sporophore du genre Calvatia s’ouvre en déchirant son péridium tandis que ceux des genres Lycoperdon et Bovista s’ouvrent par un orifice sommital. Ceux du genre Bovista forment une sphère alors que ceux des genres Lycoperdon et Calvatia s’allongent pour former un pseudo-stipe. Ils sont saprophytes et poussent au sol dans les bois (Lycoperdon) ou dans les pelouses (Bovista, Calvatia). [1], [2], [3]
On peut confondre les vesses de loup, comestibles jeunes, avec les sclérodermes qui possèdent un hyménium noirâtre et sont plus ou moins toxiques.
La vesse-de-loup géante (Calvatia gigantea) est un des plus gros champignons d’Europe et peut produire 7000 milliards de spores !
Constituants
Il est difficile de trouver des références sur la composition des différentes vesses de loup. Néanmoins, certaines études font mention de différents composés parmi lesquels : phénols, flavonoïdes, acides phénols, stéroïdes, triterpénoïdes, calvacine et vitamine E. [4], [5]–[7]
Les constituants varient naturellement selon l’espèce et certaines contiennent des composés absents dans d’autres espèces.
Usage traditionnel
Nous avons vu plus haut l’usage rapporté par Clusius des vesses de loup conservées dans les officines d’Allemagne pour soigner les écoulements de sang. Il semble que cet usage soit déjà largement répandu en Europe au XVIème siècle.
En MTC, « Ma Bo », le sporophore de Lasiosphaera fenzlii (Calvatia bicolor), Calvatia gigantea ou Calvatia lilacina (C. fragilis) est récolté mûr et pilé en poudre. Il est là encore employé pour arrêter les hémorragies mais aussi pour soigner la toux, les maux de gorge et les inflammations pulmonaires. Il est utilisé directement en poudre ou pris en décoction avec des doses de l’ordre de 3 à 6g. [8]
En Amérique du Nord, l’usage des vesses de loup par de nombreuses tribus amérindiennes témoigne d’une longue tradition dont voici un aperçu :
- Ahnishinaubeg : hémostatique (Calvatia utriformis)
- Arikara : inflammations et abcès mammaires (vesses de loup avec racine d'Actaea rubra)
- Blackfoot : hémostatique (Lycoperdon sp.)
- Cherokee : guérison des plaies (Lycoperdon perlatum), thérapeutique sur le cordon des nouveaux-nés (Geastrum sp.)
- Chippewa : hémostatique (Bovista pila, Calvatia craniiformis)
- Kiowa : hémostatique (Lycoperdon sp.)
- Kwakiutl : hémostatique (spores de vesses de loup)
- Makah : médecine (Calvatia cyathiformis)
- Missouri River Indians : hémostatique (Lycoperdon perlatum, Calvatia cyathiformis, Bovista plumbea)
- Mohegan : hémostatique (vesses de loup)
- Navajo : hémostatique en cataplasme et en infusion pour plaies, brûlures, démangeaisons (vesses de loup)
- Ojibwe : hémostatique pour saignements de nez (Calvatia craniiformis)
- Potawatomi : cure des maux de tête (Morganella subincarnata)
- Yuki : guérison des plaies (Lycoperdon sp.) [9]
Littérature
On peut lire dans la Gazette des hôpitaux de civils et militaires de 1853 un curieux article relatant l’usage des vesses de loup par un chirurgien anglais nommé Richardson. Celui-ci emploie la fumée dégagée par la combustion des spores du champignon comme agent anesthésiant qui produit en quelques minutes les effets de l’éther (diminution des battements du cœur et de la respiration, stupeur, insensibilité), mais apparemment sans les dangers de celui-ci. [10]
En 2003, Christopher Hobbs, dans son ouvrage sur les champignons médicinaux, évoque l’usage de Calvatia gigantea comme styptique en externe et fébrifuge en interne. Il rapporte son usage en MTC pour soigner l’amygdalite chronique l’enrouement, la toux et les maux de gorge. Il rappelle enfin son effet hémostatique et antibactérien. D’autres espèces du genre Bovista, Calvatia et Lycoperdon sont considérées pour les mêmes effets. Pour la prise, il conseille une longue décoction (20 à 30mn) de 1,5 à 6g de sporophore séché. [11]
Recherche scientifique
Une étude de 2003 portant sur Lycoperdon pusillum (Bovista dermoxantha) et Lycoperdon giganteum (Calvatia gigantea) démontre des propriétés anti-bactériennes et anti-fongiques marquées sur différents organismes. Les extraits réalisés avec de l'éthanol se montrent plus efficaces que ceux réalisés avec de l'eau. [12]
En 2009, un article de revue examinant les propriétés du genre Calvatia et son usage en Afrique du sud rapporte les différents propriétés de quelques espèces :
- hémostatique, anti-inflammatoire
- antibactérien (Helicobacter pylori), antifongique
- anticancéreux, antitumoral (C. gigantea, C. utriformis, C. craniiformis et C. cyathiformis)
- antiviral pour les grippes et les poliomyélites (C. gigantea)
L'acide calvatique contenu dans le champignon semble être à l'origine de plusieurs de ses propriétés. [6]
Les propriétés antimicrobiennes (B. subtilis, S. aureus, E. coli, P. aeruginosa, C. albicans) et antioxydantes de l'espèce Lycoperdon perlatum sont évoquées dans une étude de 2010. [13]
Une autre espèce du même genre, Lycoperdon umbrinum, est considérée dans une autre étude de 2014 comme un antibactérien puissant (X. campestris, P. syringae, A. tumefaciens, E. coli, K. pneumoniae, P. aeuroginosa, S. typhi, S. aureus et S. pneumoniae) et un antifongique modeste (M. gypseum, T. equinum, T. kanei, C. albicans, C. indicum, C. krusei, C. merdarium, C. keratinophilum, E. floccosum, T. rubrum). [14]
Lycoperdon perlatum est encore étudié en 2015 et révèle des propriétés antibactériennes (S. aureus), antioxydantes et anti-prolifératives dans les cas de cancer du sein et du poumon. [5]
Un article de revue publié en 2016 rappelle l'usage des espèces du genre Calvatia sur les plaies. Il mentionne aussi l'usage de Calvatia gigantea et Calvatia caelata (C. utriformis) sur les brûlures en raison de propriétés anesthésiques. Il précise enfin l'usage de Lycoperdon pusillum (B. dermoxantha) sur les plaies, les ecchymoses, les coupures profondes, les hémorragies et les infections urinaires. [7]
Une étude de 2019 portant sur les espèces Calvatia excipuliformis et Lycoperdon pratense (Vascellum pratense) évoque là encore des propriétés antioxydantes et antibactériennes. Un accent est mis sur leurs propriétés cicatrisantes et régénérantes cutanées utiles pour les soins de la peau. [15]
Enfin, la même année, l'espèce Calvatia gigantea est étudiée en rapport à des propriétés hypoglycémiantes qui agiraient en inhibant les α-amylase, ouvrant ainsi la voie à un usage dans les cas de diabète. [16]
Références
[1] R. Courtecuisse et B. Duhem, Champignons de France et d’Europe. 2013.
[2] G. Eyssartier et P. Roux, Le guide des champignons, France et Europe. 2013.
[3] M. Bon, Champignons de France et d’Europe occidentale. 2012.
[4] L. Barros, B. A. Venturini, P. Baptista, L. M. Estevinho, et I. C. F. R. Ferreira, « Chemical Composition and Biological Properties of Portuguese Wild Mushrooms: A Comprehensive Study », Journal of Agricultural and Food Chemistry, vol. 56, p. 3856‑3862, 2008.
[5] A. R. Novaković et al., « An insight into in vitro bioactivity of wild-growing puffball species Lycoperdon perlatum », Food and Feed Research, vol. 42, p. 51‑58, 2015.
[6] J. C. Coetzee et A. E. van Wyk, « The genus Calvatia (Gasteromycetes, Lycoperdaceae) - A review of its ethnomycology and biotechnological potential », African Journal of Biotechnology, vol. 8, p. 6007‑6015, 2009.
[7] D. K. Rahi et D. Malik, « Diversity of Mushrooms and Their Metabolites of Nutraceutical and Therapeutic Significance », Journal of Mycology, vol. 2016, p. 1‑18, 2016.
[8] TCM Wiki, « Lasiosphaera seu Calvatia », 2016. https://tcmwiki.com/wiki/lasiosphaera-seu-calvatia
[9] W. R. Burk, « Puffball usages among North American Indians », Journal of Ethnobiology, vol. 3, p. 55‑62, 1983.
[10] B. W. Richardson, « Sur les propriétés anesthésiques de Lycoperdon proteus ou vesse-de-loup », Gazette des hôpitaux de civils et militaires, vol. 67, p. 271‑272, 1853.
[11] C. Hobbs, Medicinal mushrooms. 2003.
[12] S. G. Jonathan et I. O. Fasidi, « Antimicrobial activities of two nigerian edible macro-fungi Lycoperdon pusilum and Lycoperdon giganteum », African Journal of Biomedical Research, vol. 6, p. 85‑90, 2003.
[13] C. Ramesh et M. G. Pattar, « Antimicrobial properties, antioxidant activity and bioactive compounds from six wild edible mushrooms of western ghats of Karnataka, India », Pharmacognosy Research, vol. 2, p. 107‑112, 2010.
[14] C. Ashok, K. K. Jayashree, J. Suma, K. Pushpa, M. S. Shruthi, et N. Raja, « Antibacterial, antifungal and preliminary phytochemical investigation of Lycoperdon umbrinum », World Journal of Pharmacy and Pharmaceutical Sciences, vol. 3, p. 2105‑2120, 2014.
[15] P. Predrag et al., « The impact of puffball autolysis on selected chemical and biological properties puffball extracts as potential ingredients of skin-care products », Archives of Biological Sciences, vol. 71, p. 721‑733, 2019.
[16] O. O. Ogbole, A. O. Nkumah, A. U. Linus, et M. O. Falade, « Molecular identification, in vivo and in vitro activities of Calvatia gigantea (macro-fungus) as an antidiabetic agent », Mycology, vol. 10, p. 166‑173, 2019.