Nom
Le lactaire tire son nom du latex ou lait produit en plus ou moins grande abondance lors de la cassure d’un partie de son sporophore. En latin, « lactarius » signifie en rapport au lait.
Le qualificatif de « deliciosus » : délicieux, voluptueux, fait référence à son usage alimentaire très apprécié.
Description
Le lactaire délicieux est un champignon mycorhizien de la famille des Russulaceae caractérisé par une chair cassante comme de la craie et la production d’un latex orangé vif à la cassure. Il s’associe uniquement aux pins (Pinus).
Son sporophore est formé d’un chapeau de 5 à 20 cm un peu visqueux et de couleur orangée, marqué de zones concentriques et verdissant légèrement avec l’âge. Son pied est de même couleur et marqué de fossettes plus sombres. Ses lames sont orangées et son lait orange carotte est immuable. Il possède une saveur douce et une odeur fruitée. [1], [2], [3]
Il est souvent confondu avec le lactaire sanguin (L. sanguifluus) au lait rouge sang et le lactaire semi-sanguin (L. semisanguifluus) très verdissant dont il partage l’habitat ; le lactaire saumon (L. salonicolor) est associé aux sapins (Abies) et le lactaire détestable (L. deterrimus) aux épicéas (Picea).
Tous sont comestibles - les premiers en sont d’excellents - bien que les deux derniers possèdent un goût peu ragoûtant, ce qui a sans doute valu son nom au lactaire détestable.
Constituants
Il semble qu’il n'y ait pas de séparation chimique nette entre les genres Russula et Lactarius, et certaines sections de Lactarius et Russula ont un contenu biochimique très similaire.
Les constituants caractéristiques de la famille des Russulaceae sont les sesquiterpènes (marasmane, isolactarane, lactarane…) qui pourraient leur servir de système de défense contre les parasites et les prédateurs. Certains sesquiterpènes (humulane, caryophyllane, guaiane) donnent sa couleur au lait des lactaires. Sont présents aussi alcaloïdes, phénols, triterpénoïdes et stérols. [4]
Un polysaccharide en particulier a été isolé de L. deliciosus : le LDG‑A. [5]
Les similarités chimiques des espèces de lactaires pourrait suggérer des propriétés médicinales proches elles aussi.
Usage traditionnel
Aucune usage du lactaire délicieux n’est relaté en Europe à notre connaissance. Cependant, un autre lactaire possédant des propriétés proche était utilisé : il s’agit du lactaire poivré L. piperatus. Ce dernier était employé en médecine populaire dans les pays de l'est et l'est de la France comme désinfectant uro-génital puissant dans les cas de cystites et de blennorragies. [6], [7]
Un article de revue publié en 2019 sur l’usage médicinal des champignons par les tribus de l’Inde, relate certains usages du lactaire délicieux au Cachemire et dans l'Himalaya :
- comme tonique cérébral et contre la colère
- en tant qu’immunostimulant dans le traitement des engelures, en poudre
- contre la toux sèches et l’asthme, en poudre dans l’eau chaude
- pour améliorer la digestion, consommé cru [8]
Littérature
Dans un cours d’histoire naturelle publié en 1835, il est fait mention d’un médecin, le docteur Dufresnoy, ayant utilisé ce champignon avec succès une trentaine de fois dans le traitement de la phtisie tuberculeuse. Il employait un électuaire dont voici la curieuse composition :
- A. acris et A. deliciosus réduits en poudre 3 gros
- Conserve de roses 1/2 once
- Blanc de baleine 2 gros
- Yeux d’écrevisses 2 gros
- Soufre lavé 2 gros
- Sirop d’achillée mille-feuille
Cet électuaire se prenait à la dose d'un gros par jour, pendant un mois et plus. [9]
Dans son livre publié en 2003, Christopher Hobbs regroupe en une section les propriétés des lactaires et russules. Il rapporte l’usage de certaines espèces de lactaires pour traiter la tuberculose en raison de leur forte activité antibactérienne. Il explique que ces champignons devraient être préparés sous forme de teinture environ 5 à 15 minutes après le broyage pour détruire les enzymes qui pourraient se briser et recommande un usage en petites quantités (10 à 25 gouttes plusieurs fois par jour). [10]
Dans son livre sur la mycothérapie de 2007, Alain Tardif souligne les propriétés diurétique du lactaire délicieux et ses capacités à éliminer l’urée et drainer les reins. Il est indiqué pour les cystites, les troubles uro-génitaux et les calculs rénaux. Il attire enfin l’attention sur l’analogie son indication dans les les urines sanglantes et la couleur rouge orangée de son lait selon la théorie des signatures. [6]
Recherche scientifique
En 2002, une étude est publiée afin d’analyser les propriétés antimicrobiennes de différents lactaires (Lactarius deterrimus, sanguifluus, semisanguifluus, piperatus, deliciosus et salmonicolor). Elle observe un effet antibactérien sur des bactéries Gram+ et Gram- (E. coli, P. vulgaris, M. smegmatis, M. tuberculosis) associées aux infections urinaires et génitales. De tous, L. deliciosus semble démontrer la meilleure activité. [11]
Un article de revue de 2012 sur l’activité antimicrobienne des champignons, relate l’activité antibactérienne du champignon (B. cereus, B. subtilis, S. aureus, E. coli, P. aeruginosa). [12]
En 2013, une étude isole de L. deliciosus un polysaccharide nommé LDG‑A possédant des propriétés immunostimulantes et un effet antitumoral. [5]
Une étude réalisée en 2019 note les propriétés antioxydantes de l’extrait aqueux et éthanolique du champignon, l’extrait aqueux contenant 2 à 3 fois plus de phénols. Elle souligne en outre l’effet hypoglycémiant par inhibition des α-amylase et α-glucosidase de l’extrait éthanolique. [13]
Références
[1] R. Courtecuisse et B. Duhem, Champignons de France et d’Europe. 2013.
[2] G. Eyssartier et P. Roux, Le guide des champignons, France et Europe. 2013.
[3] M. Bon, Champignons de France et d’Europe occidentale. 2012.
[4] M. Clericuzio, G. Gilardoni, O. Malagòn, G. Vidari, et P. V. Finzi, « Sesquiterpenes of Lactarius and Russula (Mushrooms): An Update », Natural Product Communications, vol. 3, p. 951‑974, 2008.
[5] Y. Hou et al., « Immunostimulant Activity of a Novel Polysaccharide Isolated from Lactarius deliciosus (L. ex Fr.) Gray », Indian Journal of Pharmaceutical Sciences, vol. 74, p. 393‑9, 2013.
[6] A. Tardif, La Mycothérapie. 2007.
[7] C. Fancia, F. Fons, P. Poucheret, et S. Rapior, « Activités biologiques des champignons : Utilisations en médecine traditionnelle », Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, vol. 147, p. 77‑88, 2007.
[8] S. Debnath, B. Debnath, P. Das, et A. K. Saha, « Review on an ethnomedicinal practices of wild mushrooms by the local tribes of India », Journal of Applied Pharmaceutical Science, vol. 9, p. 144‑156, 2019.
[9] G. Cuvier et A. Richard, Cours complet d’histoire naturelle, médicale et pharmaceutique ou Résumé des divers ouvrages concernant l’origine, l’histoire, la description, les propriétés et l’usage des substances médicamenteuses tirées des trois règnes. 1835.
[10] C. Hobbs, Medicinal mushrooms. 2003.
[11] B. Dulger, F. Yilmaz, et F. Gucin, « Antimicrobial Activity of Some Lactarius Species », Pharmaceutical Biology, vol. 40, p. 304‑306, 2002.
[12] M. J. Alves, I. CFR Ferreira, J. Dias, V. Teixeira, A. Martins, et M. Pintado, « A review on antimicrobial activity of mushroom (Basidiomycetes) extracts and isolated compounds », Planta Medica, vol. 78, p. 1707‑18, 2012.
[13] Z. Xu et al., « Chemical Composition, Antioxidant and Antihyperglycemic Activities of the Wild Lactarius deliciosus from China », Molecules, vol. 24, p. 1357, 2019.