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Nom

Le grec « βωλος », qui désigne une motte de terre, a donné « βωλίτης »,  champignon. Le terme latin « boletus » qui en est dérivé, désigne un champignon terrestre. Le qualificatif « edulis » signifie bon à manger. « Boletus edulis » désigne donc un champignon comestible !

C’est celui qu’on appelait le champignon de pourceau, « porcino » en italien, bien qu’il soit dit qu’il ne faille pas leur jeter de perles !

Description

Le cèpe de Bordeaux est un champignon mycorhizien de la famille des Boletaceae en relation avec des feuillus ou des conifères. Il existe de nombreuses variétés dont des formes blanches (var. albus) ou jaunes (var. citrinus). D’autres sont en relation exclusive avec une seule espèce d’arbre : B. carpinaceus  avec les charmes et B. betulicola avec les bouleaux.

Son sporophore est constitué d’un chapeau de 20 à 30 cm au revêtement un peu gras et de couleur noisette, parfois brune à roussâtre. Son hyménium est constitué de tubes échancrés blancs puis jaunâtre, verdissant avec l’âge. Son pied de 4 à 20 cm de forme ventrue est blanchâtre à ocracé et possède un réseau réticulé à son sommet. Il possède une saveur douce ou de noisette et une odeur agréable. [1], [2], [3]

C’est un excellent champignon comestible. Il peut être confondu avec le cèpe d’été (B. aestivalis), comestible lui aussi, qui apparaît au début de l’été et possède un chapeau plus sec ainsi qu’un réseau marqué sur tout le pied.

Constituants

Le cèpe de Bordeaux contient différents constituants selon une étude de 2015 portant sur la valeur nutritionnelle et les composés bio-actifs de champignons polonais :
- glucides : fructose, mannitol, tréhalose
- acides gras : palmitique, oléique, linoléique
- α- et β-tocophérols (vitamine E)
- acides oxalique, fumarique
- polyphénols : acides p-hydroxybenzoïque, protocatéchique, cinnamique, p-coumarique [4]

Le cèpe de Bordeaux contient des polysaccharides, des minéraux dont le sélénium et le germanium  des vitamines du groupe B dont la B12 ainsi qu’un précurseur de la vitamine D2. [5]

Enfin, différents études ont isolé du champignon des polysaccharides hydrosolubles nommés BEP. [6]–[8]

Usage traditionnel

Nous n’avons pas connaissance d’un usage médicinale du cèpe de Bordeaux dans la médecine traditionnelle occidentale.

Un article de revue de 2019 sur l’utilisation des champignons médicinaux par tribus de l’Inde rapporte son utilisation par les peuples de Jammu  et du Cachemire après les accouchements et comme antidépresseur. Il était aussi utilisé dans les lumbagos, les douleurs des jambes et des tendons. [9]

Littérature

Alain Tardif décrit en 2007 les propriétés du cèpe de Bordeaux dans son livre sur la mycothérapie. Il le dit équilibrant nerveux grâce à sa teneur de vitamines du groupe B (principalement B1, B2 et B12), antiviral et immunostimulant puissant par action sur le thymus et tonique général en raison de sa teneur en germanium et sélénium (170mg/100g) et protecteur vasculaire utile en prévention des maladies cardiovasculaires avec ses polysaccharides. [10]

En 2013, Christian Braibant résume dans son livre sur les champignons médicinaux les composés vitamines et minéraux trouvés champignon :
- vitamines : B1 B2 B3 B5 B6 B9, C et ergostérol (D2)
- minéraux : calcium, fer, phosphore, potassium, zinc
Il évoque des propriétés antivirales et antioxydantes, cette dernière liée à la présence d’ergothionéine Enfin, il mentionne une phytochélatine qui donnerait au champignon une résistance particulière aux métaux lourds. [11]

L’année suivante, dans son livre sur les champignons médicinaux, Alain Tardif ajoute et précise les propriétés du champignon :
- antimicrobien à large spectre
- antiviral (lectine)
- antioxydant (sélénium, ergothionéine) utile comme protecteur vasculaire, notamment cérébral
- aphrodisiaque et stimulant de l'organisme à l'état cru
Il explicite quelques constituants :
- le peroxyde d'ergostérol, précurseur de la vitamine D2 (30mg/100g)
- une phytochélatine, permettant chélater les métaux lourds dont le cadmium [5]

La même année paraît un autre livre sur le même sujet, celui-là écrit par Jean-Claude Secondé. Il reprend les dires de ses prédécesseurs en ajoutant que le champignon contiendrait des acides aminés libres dont la glutamine, lui conférant des propriétés utiles pour la récupération après un effort ainsi que la reconstruction tissulaire et musculaire. [12]

Enfin, dans sa thèse réalisée et soutenue en 2017, Marie Rampin propose l’usage du cèpe de Bordeaux en tant que complément alimentaire dans différents pathologies :
- le cancer, avec ses lectines à action immunorégulatrice, et son sélénium antioxydant et anti-inflammatoire
- les infections virales, à l’aide de ses polysaccharides, lectines et glycoprotéines
- la fatigue chronique, en raison de ses vitamines du groupe B en tant que rééquilibrant généraux et stimulants nerveux
- la prévention des maladies cardiovasculaires, au moyen de ses polysaccharides
La posologie proposée et de deux gélules quotidiennes, le matin et le soir, celles-ci étant réalisées à partir de 250mg de poudre et d'extrait pur du champignon, le tout équivalent à 425mg de champignon sec. [13]

Recherche scientifique

Une étude réalisée en 2011 extrait trois polysaccharides (BEPF30, BEPF60 et BEPF80) du sporophore de B. edulis avec de l’eau bouillante. Elle observe in-vitro des propriétés antioxydantes utiles en cas de stress oxydatif. [6]

Une autre étude publiée l’année suivante observe des effets anti-oxydant, in-vitro et in-vivo cette fois. Les composés associés à cette activité sont là encore des polysaccharides BEBP extraits à l’eau chaude. [14]

En 2014, les polysaccharides BEP de B. edulis sont étudiés dans le cadre du cancer du rein chez la souris. Ils démontrent une activité antitumorale ainsi des propriétés immunomodulantes augmentant les indices du thymus et de la rate, stimulant la production de splénocytes, de cellules NK et CTL. [7]

En 2016, une autre étude s’intéresse à ces polysaccharides et observe un effet anti-inflammatoire concluant dans le traitement de l’asthme. Les réponses pro-inflammatoires sont réduites tandis que les réponses anti-inflammatoires sont augmentées. [8]

Une dernière étude publiée en 2020 témoigne une forte capacité anti-oxydante de B. edulis. Des effets antimicrobiens sont également observés sur S. aureus, E. coli  et K. pneumoniae. [15]

Références

[1]    R. Courtecuisse et B. Duhem, Champignons de France et d’Europe. 2013.
[2]    G. Eyssartier et P. Roux, Le guide des champignons, France et Europe. 2013.
[3]    M. Bon, Champignons de France et d’Europe occidentale. 2012.
[4]    S. A. Heleno, R. C. Ferreira, A. L. Antonio, M.-J. R. P. Queiroz, L. Barros, et I. C. F. R. Ferreira, « Nutritional value, bioactive compounds and antioxidant properties of three edible mushrooms from Poland », Food Bioscience, vol. 11, p. 48‑55, 2015.
[5]    A. Tardif, Les champignons médicinaux. 2014.
[6]    A. Zhang, N. Xiao, P. He, et P. Sun, « Chemical analysis and antioxidant activity in vitro of polysaccharides extracted from Boletus edulis », International Journal of Biological Macromolecules, vol. 49, p. 1092‑1095, 2011.
[7]    D. Wang, S.-Q. Sun, W.-Z. Wu, S.-L. Yang, et J.-M. Tan, « Characterization of a water-soluble polysaccharide from Boletus edulis and its antitumor and immunomodulatory activities on renal cancer in mice », Carbohydrate Polymers, vol. 105, p. 127‑134, 2014.
[8]    S. Wu, G. Wang, R. Yang, et Y. Cui, « Anti-inflammatory effects of Boletus edulis polysaccharide on asthma pathology », American Journal of Translational Research, vol. 8, p. 4478‑4489, 2016.
[9]    S. Debnath, B. Debnath, P. Das, et A. K. Saha, « Review on an ethnomedicinal practices of wild mushrooms by the local tribes of India », Journal of Applied Pharmaceutical Science, vol. 9, p. 144‑156, 2019.
[10]    A. Tardif, La Mycothérapie. 2007.
[11]    C. Braibant, Les Champignons Médicinaux. 2013.
[12]    J.-C. Secondé, Les champignons de santé et de longévité. 2014.
[13]    M. Rampin, « Champignons médicinaux, de l’usage traditionnel aux compléments alimentaires », 2017.
[14]    A. Luo, A. Luo, J. Huang, et Y. Fan, « Purification, Characterization and Antioxidant Activities in Vitro and in Vivo of the Polysaccharides from Boletus », Molecules, vol. 17, p. 8079‑8090, 2012.
[15]    G. B. Rosa et al., « Investigation of Nutritional Composition, Antioxidant Compounds, and Antimicrobial Activity of Wild Culinary-Medicinal Mushrooms Boletus edulis and Lactarius deliciosus (Agaricomycetes) from Brazil », International Journal of Medecinal Mushrooms, vol. 22, p. 931‑942, 2020.