Voir la fiche résumé

Nom

Le nom de genre vient du grec « πίπτω » tomber, chuter ou succomber et du latin « porus » passage, pore. Il peut donc signifier : à pores tombant ou se détachant.

Enfin « betulinus » fait bien sûr référence au bouleau (Betula) sur lequel il croît.

Description

Le polypore du bouleau est un champignon saprophyte, rarement parasite, exclusif des bouleaux (Betula sp.). Ce polypore fait partie de la famille des Fomitopsidaceae.

Son sporophore est formé d’un chapeau lisse de 10 à 30 cm de couleur brune à café-au-lait et de consistance molle. Sa marge est enroulée et il est aminci en un pseudo-stipe à l’endroit de sa fixation au support. Son hyménium est formé de pores fins et blancs. Sa chair est légèrement amère et son odeur agréable. [1], [2]

Constituants

Le champignon contient des polysaccharides de type α-D-glucanes, des triterpènes de type lanostane, des acides triterpéniques, des dérivés phénoliques ainsi qu’un alcaloïde : la piptamine.

Parmi les triterpénoïdes, on trouve l’acide polyporénique A et C ainsi que ses dérives et le méthyl-polyporénate. On rencontre encore la bétuline et l’acide bétulinique, le péroxyde d’ergostérol, le peroxyde de 9,11-déhydroergostérol et l’acide fomefficinique.

Dans les dérivés phénoliques, on a les acides p-hydroxybenzoïque, protocatéchuique et vanillique. [3]

Usage traditionnel

C’est sans doute la découverte la momie Ötzi en 1991 dans un glacier des Alpes italiennes, avec en sa possession deux morceaux de polypore du bouleau enfilés sur un lacet de cuir, qui inaugure les recherches sur les propriétés pharmacologiques du champignon. Même si il est impossible de conclure d’un usage médicinal de ce champignon à l’âge du cuivre, des hypothèses l’envisagent néanmoins en regard de la présence du parasite intestinal Trichuris trichiura dans la momie de cet homme ; l’infestation à ce nématode provoquant des douleurs à l'estomac et des diarrhées, et ce polypore possédant des propriétés antiparasitaires et antidiarrhéiques. [4], [5]

Une étude de 2015 retrace les usages ethnomycologiques de Piptoporus betulinus :
- en Transylvanie, contre les maux d'estomac, pour la stérilisation et dans la prévention des maladies infectieuses des ovins et bovins
- en Russie, comme thé fortifiant pour renforcer le système immunitaire
- en Europe , comme antiseptique et en externe contre les saignements
- en Sibérie et en Finlande, comme thé pour divers types de cancer
- en Pologne, comme extrait pour le cancer de l'estomac
- en Autriche, en Amérique du Nord et en Sibérie, comme analgésique [6]

Dans un autre domaine, il était utilisé en lanières comme cuir à rasoir.

Littérature

Christopher Hobbs, rapporte en 2003 dans son livre sur les champignons médicinaux l’usage antiseptique et désinfectant du charbon de ce champignon dans certains villages anglais ; la poudre du polypore, torréfiée, étant aussi utilisée comme styptique. Il mentionne l’activité antimicrobienne et antiphlogistique des acides polyporéniques, ainsi que l’effet anti-tumoral des triterpènes pentacycliques. [7]

En 2013, dans son livre sur les champignons médicinaux, Christian Braibant rapporte les propriétés antibactériennes, antidiarrhéiques et anti-inflammatoire du polypore du bouleau. L’acide bétulinique qu’il contient est qualifié d’antibiotique puissant et de par son acide polyporénique, il est recommandé pour traiter les problèmes liés à l’estomac et à l’intestin, celui-ci étant toxique pour certains vers intestinaux. Enfin, il le donne pour fébrifuge. [8]

L’année suivante dans son livre traitant du même sujet, Alain Tardif évoque les effets antibiotiques, anticancéreux, antidiarrhéiques et anti-inflammatoires du champignon pris en décoction. Son effet antibiotique sur les affections de l'estomac et de l'intestin serait lié à la présence de piptamine. Enfin, ses propriétés anti-inflammatoires et anti-œdémateuses seraient associées ses acides terpéniques. [9]

La même année, Robert Rogers publie un article consacré à l’usage médicinal de certains polypores dans le journal de la la guilde des herboristes américains où il donne quelques préparations médicinales utiles :
« - Teinture : Trancher finement les polypores frais et faire une teinture 1:5 avec de l’alcool à 95°. Laisser reposer pendant deux semaines en secouant quotidiennement. Filtrer et réserver l'alcool et essorer le marc à sec. Prendre cette matière sèche et faire une décoction 1:20. Laisser mijoter lentement jusqu'à la moitié, laisser refroidir, filtrer et mélanger avec l'alcool réservé. La posologie est de 2 à 4 ml par jour ou plus dans les maladies chroniques.
- Huile cosmétique : Combiner le polypore tranché finement à 1:5 avec une bonne huile végétale mono-insaturée dans une mijoteuse. Régler à feu doux et laisser mijoter lentement pendant quatre à six heures. Retirer du feu, bien presser dans une étamine et conserver avec le contenu d'une capsule de vitamine E naturelle de 400UI pour chaque litre d'huile. C'est un revitalisant fantastique pour la peau.
- Décoction : Prendre 20-30 grammes deux fois par jour dans une soupe ou un thé. Il doit être mijoté pendant au moins 30 minutes pour en extraire les principes actifs. Les morceaux plus gros peuvent être coupés en tranches d'un demi-pouce, de sorte qu'une plus grande surface soit exposée. J'utilise un rabot pour le trancher en fines lamelles. » [10]

Recherche scientifique

Une première étude est publiée en 1998 au sujet des champignons d’Ötzi. Elle rappelle ses usages traditionnels comme anti-fatigue, immunostimulant et apaisant, comme styptique en Angleterre sous forme de petites lanières et comme antiseptique sous forme de charbon. Parmi ses substances actives, l’acide polyporénique A possède des propriétés antimicrobiennes et antiphlogistiques. Le champignon a encore des effets antitumoraux sur le vagin et pourrait aussi prévenir la poliomyélite. [4]

Un article de revue publié en 2014, après avoir mentionné les usages traditionnels déjà cités, rapporte les effets de certains des composés de P. betulinus :
- les α-D-glucanes auraient un effet cytotoxique
- l’acide polyporénique et d’autres acides triterpéniques seraient anti-inflammatoires
- les dérivés phénoliques auraient un pouvoir antioxydant
- la piptamine aurait des propriétés antibiotiques sur les bactéries Gram+ S. aureus et E. faecalis [3]

L’année suivante, une autre étude mentionne les propriétés antibactériennes du champignons sur les bactéries Gram+ B. subtilis, R. equi, S. aureus. Elle ajoute aussi des propriétés antifongiques sur A. Orchidis. [11]

Toujours en 2015, une étude sur les triterpènes bioactifs de Piptoporus betulinus relate les propriétés de certains composés :
- bétuline et acide bétulinique : anti-inflammatoire, antiviral et anti-néoplastie
- dérivés de la bétuline : activité hépatoprotectrice et anti-VIH, effets anti-inflammatoires et immunomodulateurs
- acide polyporénique C : activités cytotoxiques et anti-inflammatoires
- peroxyde d'ergostérol : activités immunosuppressives, antivirales et antitumorales [12]

Un article de revue de 2017 est consacré à ce champignon. Celui-ci est composé de sucres (d-arabinitol, d-mannitol, α-tréhalose), d’acides gras (oléique et linoléique) et contient des tocophérols, l’acide ascorbique, l’acide bétulinique, la bétuline, le lupéol, l'acide fomefficinique, le peroxyde d'ergostérol et le peroxyde de 9,11-déhydroergostérol. Parmi ses propriétés, l’article dénombre :
- antibactérien (Bacillus sp., Brucella sp., E. coli, E. faecalis, M. smegmatis, P. aeruginosa, R. equi, S. lutea, S. marcescens, S. aureus)
- antifongique (S. cervisiae, A. fumigatus, C. albicans, K. marxianus, R. rubra, S. salmonicolor, P. notatum)
- larvicide (A. aegypti)
- antiviral, par protection virale (vaccine, TBE, HSV-2), interféron-like
- anti-inflammatoire, par inhibition inhibition de COX-1
- antioxydant
- immunomodulateur, par activation des neutrophiles
- anticancer, par ses effets anti-migration, inducteur de l'apoptose, inhibiteur de la prolifération et de la croissance cellulaire
- neuroprotecteur contre les effets de la cisplatine, le stress trophique et l'excitotoxicité
- protecteur contre les caries dentaires par ses α-D-glucanes
Il rapporte aussi que les extraits du champignon sont beaucoup plus actifs que ses composés isolés, cela en raison de probables synergies et de la compensation des effets secondaires. [5]

Enfin, une étude de 2018 évalue les effets immunostimulants d’un extrait aqueux du champignon. Celui-ci induit une forte augmentation de la libération d'IFN-γ et semble légèrement protecteur contre l'apoptose des monocytes. En outre, il déclenche la sécrétion d'IL-8 par les monocytes et les cellules dendritiques et induit la maturation des cellules dendritiques. [13]

Références

[1]    G. Eyssartier et P. Roux, Le guide des champignons, France et Europe. 2013.
[2]    M. Bon, Champignons de France et d’Europe occidentale. 2012.
[3]    U. Grienke, M. Zöll, U. Peintner, et J. M. Rollinger, « European medicinal polypores - A modern view on traditional uses », Journal of Ethnopharmacology, vol. 154, p. 564‑583, 2014.
[4]    U. Peintner, R. Pöder, et T. Pümpel, « The iceman’s fungi », Mycological Research, vol. 102, p. 1153‑1162, 1998.
[5]    M. Pleszczyńska, M. K. Lemieszek, M. Siwulski, A. Wiater, W. Rzeski, et J. Szczodrak, « Fomitopsis betulina (formerly Piptoporus betulinus): the Iceman’s polypore fungus with modern biotechnological potential », World Journal of Microbiology and Biotechnology, vol. 33, p. 83, 2017.
[6]    N. Papp, K. Rudolf, T. Bencsik, et D. Czégényi, « Ethnomycological use of Fomes fomentarius and Piptoporus betulinus in Transylvania, Romania », Genetic Resources and Crop Evolution, vol. 64, p. 101‑111, 2015.
[7]    C. Hobbs, Medicinal mushrooms. 2003.
[8]    C. Braibant, Les Champignons Médicinaux. 2013.
[9]    A. Tardif, Les champignons médicinaux. 2014.
[10]    R. Rogers, « Three Under-Utilized Medicinal Polypores », Journal of the American Herbalists Guild, vol. 12‑2, p. 15‑21, 2014.
[11]    P. Dresch, M. N. D´Aguanno, K. Rosam, U. Grienke, J. M. Rollinger, et U. Peintner, « Fungal strain matters: colony growth and bioactivity of the European medicinal polypores Fomes fomentarius, Fomitopsis pinicola and Piptoporus betulinus », AMB Express, vol. 5, p. 4, 2015.
[12]    Z. Alresly, U. Lindequist, M. Lalk, A. Porzel, N. Arnold, et L. A. Wessjohann, « Bioactive Triterpenes from the Fungus Piptoporus betulinus », Records of Natural Products, vol. 10, p. 103‑108, 2015.
[13]    F. Grunewald et al., « Effects of Birch Polypore Mushroom, Piptoporus betulinus (Agaricomycetes), the ‘Iceman’s Fungus’, on Human Immune Cells », International Journal of Medicinal Mushrooms, vol. 20, p. 1135‑1147, 2018.